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Quels sont les impacts du CVM sur l'eau potable ?

Rédigé par Collectivités | 1 juin 2019 07:00:00

Chlorure de vinyle monomère ou CVM. Une molécule qui fait parler d’elle et que l’on retrouve notamment dans les canalisations d’eau en PVC posées avant 1980. Le point avec Fabrice Nauleau, directeur technique de Saur, sur les solutions déployées pour minimiser les impacts de ce polluant.

 

Le chlorure de vinyle monomère, ou CVM, est un polluant reconnu par les autorités sanitaires. Mais quel rapport existe-t-il entre CVM et eau potable ?

Fabrice Nauleau : ce gaz très volatil est une molécule organique inodore et incolore à température ambiante. Il n’existe aucune source naturelle de ce composé issu de la seule synthèse chimique. Les plastiques des canalisations d’adduction d’eau en PVC posées avant 1980 pouvaient renfermer – comme toutes les fournitures en PVC de l’époque – de fortes teneurs résiduelles de CVM.

Conséquence : lorsque l’eau stagne trop longtemps, et dans certaines conditions de température, le CVM migre lentement de la canalisation vers l’eau.

 

Vous avez évoqué l’année 1980. Pourquoi ?

F.N. : du fait d’un changement dans la technique de fabrication du PVC, les canalisations produites après 1980 renferment moins de 1 mg de CVM par kilogramme de PVC pour respecter les normes internationales, soit deux mille fois moins qu’auparavant. Sa présence dans l’eau destinée à la consommation humaine n’est donc plus un problème avec les réseaux posés depuis lors.

 

Depuis quand détecte-t-on le CVM ?

F.N. : la réglementation a inclus la mesure du CVM dans l’eau destinée à la consommation humaine en 2007, alors qu’auparavant on se contentait d’une estimation par le calcul. Suite à une campagne nationale de la DGS de 2010, les autorités sanitaires ont alors demandé aux Agences régionales de santé (ARS) d’inventorier ces zones « à risque ».

Toute la difficulté réside dans la connaissance du patrimoine, beaucoup de collectivités ne connaissant pas de quoi est constitué leur réseau d’eau potable – type de matériau, date de pose, diamètre, localisation précise – d’où l’intérêt d’un tel inventaire, que les collectivités devaient établir avant le 31 décembre 2013.

 

Sait-on estimer le linéaire de canalisations concerné en France ?

F.N. : difficile de donner une indication précise en l’absence de données patrimoniales exhaustives sur la nature et le linéaire des canalisations en place. Toutefois, sur un linéaire de réseau d’eau potable évalué à un million de kilomètres, on estime que 30 % – soit 340 000 km – ont été déployés avant 1980 et sont en PVC. Ce qui ne préjuge pas pour autant d’un dépassement automatique de la norme sanitaire. Si l’eau circule suffisamment, la canalisation, même en PVC d’avant 1980, aura des taux mesurés très faibles.

Les sections à problème sont celles dites de « bout de réseau » où l’eau peut stagner plusieurs jours. L’Institut de veille sanitaire (InVS) estime que 50 000 km répondent à ce « profil », desservant environ 600 000 personnes, plutôt dans les milieux ruraux et dans l’ouest de la France. En ce qui concerne Saur, sur les 160 000 km de réseau d’eau potable que nous exploitons, le linéaire de PVC antérieur à 1980 est d’environ 80 000 km. Un chiffre qui s’explique par notre forte présence dans les zones « à risque », c’est-à-dire l’ouest de la France et les zones rurales.

 

La logique voudrait que l’on change ces canalisations…

F.N. : oui, mais gardons à l’esprit que les réseaux ne nous appartiennent pas. Leur remplacement relève de la responsabilité des collectivités propriétaires, qui doivent donc dégager au fil du temps les investissements financiers nécessaires. A rapprocher du coût de remplacement du mètre linéaire de canalisation, évalué entre 70 € et 200 € en fonction des contraintes de sol et de chaussée. On parle ici de milliards d’euros à engager !

 

Que proposez-vous comme solutions concrètes en attendant ?

F.N. : si le remplacement de la canalisation n’est pas supportable financièrement parlant, nous devons nous assurer que l’eau circule dans les tronçons cibles. La seule solution, même si elle est environnementale insatisfaisante, est d’opérer des purges.

On renouvelle ainsi l’eau en plusieurs points du réseau afin de diminuer le temps de séjour dans les canalisations en PVC avec, pour résultat immédiat, de réduire la teneur en CVM. Notre plan d’action repose sur quatre axes principaux : identifier le (ou les) tronçon(s) du réseau à renouveler, déterminer le(s) point(s) précis où des purges automatiques doivent être installées afin d’améliorer la circulation de l’eau dans les canalisations en attendant leur remplacement, fixer la fréquence des purges à effectuer et, enfin, estimer les volumes d’eau perdue mis en jeu.

Bien évidemment, nous assurons un suivi des purges réalisées afin d’en mesurer l’efficacité, même si nous restons convaincus que la seule solution réellement satisfaisante reste le remplacement des canalisations en question.

 

Et si, malgré tout, cela ne suffit pas ?

F.N. : dans ce cas précis, les consommateurs sont informés de ne pas utiliser l’eau du robinet à des fins alimentaires, à moins de la porter à ébullition (cuisson des aliments, boissons chaudes…) afin d’éliminer le CVM très volatil. Une distribution d’eau en bouteille est en parallèle organisée. Pas de souci, en revanche, pour les autres usages domestiques de l’eau, tels que bain, douche, brossage de dents, toilettes, lavage des légumes, arrosage… Saur peut également fournir une solution provisoire de potabilisation aux consommateurs concernés.
 
 
Et ailleurs en Europe ?

Une directive européenne du 3 novembre 1998 relative à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine fixe la limite du CVM à 0,5 µg/l, mais elle n’oblige pas à mesurer ce composé dans les contrôles de qualité de l’eau. Si la France a imposé de mener de telles mesures en 2007, aucun autre Etat membre de l’UE ne s’est aligné sur cette position. A l’exception de la Belgique qui envisage de mener une campagne nationale de détection du CVM dans l’eau distribuée aux consommateurs.